Pierre Farge à CNEWS 28 janvier 2020

Maître Pierre Farge, président du collectif Avocat Stop Féminicide était le 28 janvier 2020 sur la chaîne CNEWS l’invité de Thomas Hugues à l’émission Soir Info pour commenter le projet de loi actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale pour lutter contre les violences conjugales.

La mesure la plus commentée de ce projet de loi, porté par Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargé(e) de l’Égalité entre les femmes et les hommes, concerne la levée partielle du secret professionnel médical.

Selon le texte en débat, un médecin pourrait désormais, constatant des violences conjugales, et en cas de danger immédiat pour sa patiente, signaler les faits délictueux à la justice (procureur de la république), comme cela existe déjà pour la justice des mineurs, et ce y compris contre l’avis de la femme concernée.

Maître Pierre Farge rappelle comment le collectif Avocat Stop Féminicide vient en aide aux femmes victimes de violences conjugales, avant d’expliquer pourquoi il n’y a pas lieu, selon lui, de s’inquiéter de cette levée, partielle, du secret médical, demeurant à la libre appréciation de chaque médecin, en son âme et conscience.

S’ils font le choix d’intervenir légalement pour sauver leur patiente, Ils ne risqueront plus d’être radiés pour manquement à leur secret professionnel.

Il fait le parallèle avec le signalement de violences constatées envers les mineurs, qu’ils ont le devoir de dénoncer au procureur de la République ou la justice des mineurs.

Après 149 féminicides en 2019, et déjà 8 féminicides recensés depuis le début de l’année 2020, il s’agit, rappelons-le de sauver des vies.

Le collectif Avocat Stop Féminicide

Ce collectif national d’avocats intervient sur trois plans :

  • en conseil auprès des femmes concernées
  • en accompagnement des victimes pour une défense au civil et au pénal.
  • en support auprès de pouvoirs pouvoirs publics pour adapter le droit, notamment dans le cadre du Grenelle des Violences conjugales.

Même si beaucoup d’associations existent, les victimes restent le plus souvent démunies quand elles sont victimes de ces violences, et le collectif s’est créé pour les conseiller sur la marche à suivre pour faire valoir leurs droits et sortir du cycle des violences.

Victime de violences conjugales, que faire ?

La question de la preuve des faits de violence est ainsi cruciale, pour sortir du piège du « parole contre parole » lors de l’enquête préliminaire. Sans preuve, on ne pourra pas obtenir une condamnation en justice d’un homme si violent soit-il. Elle peut être rapportée par tous moyens : SMS, courriel, photo, vidéo, ou, plus discret, enregistrement vocal…sont des preuves admissibles.

L’objectif est en effet de pouvoir obtenir du Juge aux Affaires familiales la délivrance en urgence d’une ordonnance de protection (*), visant notamment une mesure d’éloignement du conjoint violent, et l’ouverture d’une instruction sur la base des preuves déposées.

Ce qui doit changer

Les commissariats et gendarmeries, peut-être faute de moyens et de formation, n’offrent toujours pas une réponse adaptée aux cas qui leur sont signalés, ainsi que le rappelle le tragique fait divers d’aujourd’hui. Pourtant, pour prévenir ces drames, il est déterminant d’intervenir le plus en amont possible, dès le premier signalement aux autorités.

Les procédures judiciaires auprès du juge aux Affaires Familiales devraient également être accélérées, Les délais actuels (plusieurs semaines) sont actuellement beaucoup trop longs et mettent en danger les femmes qui demandent en urgence une ordonnance de protection. C’est une question de vie ou de mort !

Enfin, la société civile peut aussi se mobiliser pour les aider :

  • Les banques doivent se montrer solidaires et accorder des facilités de paiement à ces femmes qui se voient couper les vivres par leur ex-conjoint dès qu’elles quittent le domicile pour fuir les violences.
  • Les employeurs doivent soutenir leurs salariées et accorder à ces femmes les congés nécessaires pour leur permettre de s’organiser quand elles sont dans cette situation dramatique.
  • les voisins peuvent témoigner et signaler les violences dont ils sont témoins.

(*) Requête au juge aux affaires familiales en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection (Article 515-9 et suivants du code civil, articles 1136-3 et suivants du code de procédure civile)